En observant les combats entre animaux, les maîtres chinois ont constaté que la souplesse triomphait toujours de la force. Ils en ont fait une des bases de leur enseignement. En éliminant les tensions et les raideurs, la souplesse facilite la circulation du qi le long des méridiens ; en entretenant la flexibilité des muscles et des tendons, elle les protège et accroît leur longévité. C’est pourquoi les mouvements en forme de spirale, inspirés du serpent, maître de la fluidité, sont souvent utilisés. Les gestes toujours amples et circulaires, le rythme continu et très lent, permettent de s’assouplir tout en délicatesse.
“Le calme est maître du mouvement” Lao-Tseu
Exit les termes de compétition, d’obligation de résultat ou de performance. Dans l’univers du qi gong, il n’y a pas de perdant, car le chemin parcouru est plus important que l’accomplissement lui-même. Et c’est toute notre relation à l’effort qui s’en trouve transformée. Les postures comme les mouvements épousent la morphologie naturelle du corps ; le bon alignement de la colonne vertébrale est toujours respecté ; les articulations ne sont pratiquement jamais en extension complète. La détente est la clé de voûte du travail. Pour l’atteindre, il faut oublier le « vouloir-faire » et découvrir le « laisser-faire ».
“Expirer l’usagé, inspirer le nouveau” Zhuangzi
C’est
le travail respiratoire et la concentration de la pensée qui transforment ce qui pourrait n’être qu’une activité purement physique et mécanique en une pratique plus
complète.
La
respiration est essentielle, car elle est le vecteur du qi, qu’elle guide vers nos cellules. Il en existe plusieurs, mais on utilise le plus souvent la respiration naturelle abdominale.
Elle accompagne postures et enchaînements et, comme eux, doit être ronde et douce : régulière, sans à-coups, et jamais amplifiée de façon volontaire.
En
chassant les émotions négatives, qui sont souvent à l’origine du stress, la respiration participe à la détente et permet à la conscience de mieux s’impliquer dans chaque exercice.
“Plus on s’éloigne, moins on apprend” Lao-Tseu
L’aspect extérieur du travail est important, mais il n’y a pas de recherche de l’esthétique. En qi gong, le geste n’est beau que lorsqu’il est « juste », c’est-à-dire lorsqu’il n’est pas une simple imitation vide de sens, mais le résultat d’un véritable cheminement intérieur, qui passe par la prise de conscience de plus en plus subtile de toutes les parties du corps sollicitées. Ecouter ses sensations est fondamental : des impressions de légèreté ou de lourdeur, de chaleur ou de fraîcheur, des démangeaisons ou des fourmillements, sont autant d’indicateurs précieux qui renseignent sur la progression du qi dans les méridiens. Peu à peu, le corps ne travaille plus tout seul mais en synergie avec la pensée.
“Chez l’homme il y a trois joyaux : le ‘jing’, le ‘qi’ et le ‘shen’” Philosophie taoïste
La médecine chinoise partage avec d’autres cultures une notion de « corps subtil ». Celui-ci doit être pris en compte lorsque l’on veut rester en bonne santé et serein. L’être est composé de trois éléments : le jing (l’essence), le qi (l’énergie) et le shen (l’esprit). Pour simplifier, jing correspond à ce que nous appelons le patrimoine génétique, la vitalité de base, et à un plan physiologique ; qi représente le souffle vital, il est véhiculé et influencé par la respiration, elle-même reliée au cœur et au plan affectif ; shen renvoie à la vie de l’esprit. De leur équilibre dépendent bien-être et longévité.
En soulageant les tensions physiques, en permettant de mieux gérer ses émotions et en apaisant l’esprit, le qi gong permet d’harmoniser ces trois plans. « Si l’homme se délivre des lumières de l’intelligence, il pourra être exempt de toute infirmité. » Si cette invitation orientale nous choque, c’est bien parce que nous sommes habitués à laisser notre esprit gouverner notre corps d’une main de fer. Pour le rendre plus fort, plus beau, plus aimable. Et si le qi gong, ainsi que d’autres pratiques visant à rétablir l’équilibre entre notre corps et notre esprit, nous attire de plus en plus, c’est sans doute parce que nous, Occidentaux, ressentons le besoin de commencer à nous traiter avec davantage de douceur.